Mes Cahiers, Opus 1

Mes Cahiers, Opus 1, Une approche Gestalt-existentielle

La Gestalt : une philosophie clinique ( Extrait de “Mes cahiers Opus 1” )

Opus 1 cover

OPUS 1: PRÉFACE

Les textes que Noël a rassemblés dans ce cahier ont fait l’objet d’un travail minutieux pour examiner et choisir ceux qui, pendant plus de trente ans de pratique en tant que formateur, superviseur et thérapeute, lui ont permis de préciser sa pensée autour de la psychothérapie existentielle dans une perspective gestaltiste.

Il en résulte un recueil constitué de petits cahiers dans lesquels il exprime et partage sa vision de la thérapie humaniste et en précise également les fondements.

Il a voulu, au travers de conférences, de stages et par ses écrits, faire connaître et transmettre les apports de grands maîtres tels que Rollo May et son travail sur l’éthique et les valeurs, Buber et la relation dialogale, Yallom et l’angoisse existentielle et, bien sûr, Isadore From avec qui il a entretenu une étroite relation d’élève, puis de supervisé et enfin d’ami. Une fois mise au point sa propre lecture de la psychopathologie spécifiquement gestalt existentielle, il la communiqua à Isadore From lors de son passage en Suisse. Celui-ci répondit, le regardant en clignant des yeux : « Je n’ai rien écrit, mais je laisse des élèves derrière moi ».

Noël a sans cesse structuré sa pensée pour définir les apports spécifiques de la Gestalt thérapie existentielle dans ses fondements, sa conception de l’homme, sa méthode et sa pratique.
Il nous a ainsi permis d’intégrer dans notre pratique des repères qui permettent une clinique rigoureuse et vivante, aussi bien dans le dialogue d’une rencontre, dans l’entretien patient-thérapeute, que dans le couple patient-thérapeute.

Ce dialogue, il le favorisait au sein de ses groupes de supervisés qu’il engageait à étudier, à intégrer chapitre par chapitre le livre de Goodman et la théorie du Self. Il exigeait d’eux qu’ils appliquent cette étude à leur pratique par une étude de cas qu’il préparait et envoyait à chaque participant avant le séminaire.

Noël créait aussi des instruments, des grilles de lecture pour les praticiens que nous sommes.

Il a également mis au point un travail sur les couples qu’il a commencé au Canada puis sans cesse interrogé et approfondi au cours des vingt-cinq années de pratique qui ont suivi en tandem avec moi-même. Je le revois lors de chaque session, inventant de nouvelles expérimentations pour permettre aux participants d’atteindre cet awareness qui lui tenait tant à cœur, avant de pouvoir faire un diagnostic de la situation ou d’établir un processus de choix et de décision pour prendre toute la mesure de sa responsabilité.

Noël n’a jamais cessé de réfléchir, de structurer sa pensée autour de l’existentiel. Son retrait de la scène professionnelle, lié à sa perte de vision et à ses problèmes physiques d’équilibre, ne l’a pas empêché d’être chaque jour à sa table de travail. Avec de l’aide, il accédait aux sources de lecture pour écouter ses disques audio qui le reliaient à la connaissance philosophique comme son maître à penser David Henri Thoreau pour qui « être philosophe, c’est résoudre quelques-uns des problèmes de la vie, non seulement en théorie, mais en pratique ». Noël était un philosophe clinicien qui concevait la philosophie dans une application pratique et clinique.

Il s’est sans cesse intéressé à ce que j’enseignais et fut un compagnon de route attentif, généreux, infatigable, sans compromis, ne laissant aucune idée, aucun développement sans éclaircissement suffisant.

C’est en pleine conscience qu’il s’est confronté aux limites de sa propre existence. C’est aussi à partir de son expérience quotidienne que nous avons approfondi la clinique de ses chères données existentielles sur lesquelles il travaillait déjà depuis plus de trente ans.

Il laisse en nous ce goût de la recherche exigeante pour la thérapie existentielle, comprenant et accueillant davantage notre angoisse existentielle pour en faire un processus de création en lien avec notre humanité et celle d’autrui.

Après neuf mois de travail soutenu pendant lesquels nous avons travaillé chaque dimanche dans sa résidence de Montreux, je lui ai annoncé avec joie début juin 2012 :
— Noël, ça y est, j’ai réuni dans un cahier tous les textes que tu jugeais importants à la fin de ta carrière !
C’est avec émotion que je l’ai entendu me répondre :
— Oui, c’est bien, je suis content, je vois la personne d’Exit cet après-midi, je vais fixer la date de mon départ.

Il reste de lui ce qu’il voulait que l’on garde : une pensée riche et vivante de la thérapie existentielle et de sa pratique pour qu’elle continue d’être connue et discutée et pour que le processus de création se poursuive en cohérence avec nous-mêmes, ce qu’il a fait jusqu’à la fin de sa vie.

Marie-Noëlle Salathé

Février 2013